Les jours de grand vent, je me souviens des draps qui séchaient sur le fil tendu entre deux poteaux de bois, dans le jardin. J’aimais l’odeur printanière qui se dégageait du tissu humide. Les longues voiles de coton claquaient au vent en attendant de sécher. Ma mère les prenait en masse dans ses bras, en soirée, et les déversait sur une chaise. Elle m’appelait alors et le rituel s’engageait. Nous prenions possession du séjour et l’odeur du linge envahissait la pièce. Chacune saisissait les deux pointes de chaque extrémité du drap. Nos mouvements se coordonnaient pour former un rectangle deux fois moins large qu’il n’était. L’opération se renouvelait avant d’étirer pesamment le linge. C’est le moment que je préférais. Je me laissais partir lourdement en arrière, gardant mes deux jambes jointes. L’équilibre restait précieux. Si l’une de nous deux lâchait, l’autre tombait sur le derrière. Parfois, ma mère se plaisait à faire semblant et je devais rétablir l’équilibre pour ne pas tomber...

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